Au début de la crise du Covid-19, l'or avait défavorablement surpris, perdant plus de 20 % de sa valeur. Une baisse pourtant classique ! « À chaque crise (1998, 2000, 2007), c'est le même scénario », rappelle John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud. Les cours du métal jaune commencent à baisser, les investisseurs vendant leurs positions pour avoir des liquidités et faire face aux désengagements de leurs clients. Puis l'or remonte, retrouvant son rôle de valeur refuge. De là à atteindre si rapidement les 2 000 dollars l'once et dépasser son record de septembre 2011 (1 921 dollars), seuls les plus audacieux, comme John Plassard ou Benjamin Louvet chez Ofi Asset Management, s'y étaient risqués, inquiet de la persistance de la crise sanitaire et la profondeur de la récession économique.

Si forte soit-elle (+ 33 % depuis le creux de mars), la hausse ne semble pas terminée. Pour au moins six raisons :1) La persistance dans les mois à venir de la politique monétaire accommodante des banques centrales. Pour soutenir l'activité économique mise à mal par le Covid et le confinement, les banques centrales ont injecté près de 2 000 milliards d'euros de liquidités et maintenu en corollaire des taux d'intérêt bas, voire négatifs. Le rendement des bons du trésor américain à dix ans est ainsi descendu à – 1 %.

2) La mise en place de politiques budgétaires expansionnistes de soutien à l'économie d'autant plus fortes que l'épidémie n'est pas contenue et que le rebond exigera des mesures d'accompagnement financières et sociales afin d'assurer la construction du monde d'après (digitalisation…). Tant en Europe qu'aux États-Unis, le retour à l'équilibre budgétaire n'est plus à l'ordre du jour. Pour preuve, Angela Merkel a, pour la première fois de l'histoire économique allemande, renoncé au dogme de l'orthodoxie.

3) Une demande croissance émanant d'acteurs traditionnels (les banques centrales), mais aussi d'acteurs qui intervenaient peu jusqu'alors sur l'or (gérants d'ETF, fonds d'investissement, fonds de pension…). Avec comme seul bémol, la baisse de 40 % des achats de bijouterie qui représentaient jusqu'alors un tiers de la demande.

4) Les incertitudes politiques marquées par les élections américaines, le conflit sino-américain, le Brexit…

5) La disparition de son principal handicap : celui de ne pas délivrer de rendement (aucun intérêt, aucun dividende). Avec les taux bas, son concurrent – les obligations – ne rapporte plus rien ou presque. Les particuliers ne s'y sont pas trompés et ont accru ces dernières semaines leurs achats d'or physique de plus de 15 %, selon les chiffres du réseau Or, en cash mais aussi via des produits indiciels (ETF).

6) Son rôle de valeur refuge face à des marchés financiers volatils qui pourraient pâtir de la chute des résultats des entreprises.

Pour toutes ces raisons, les experts de l'Union bancaire privée n'excluent une once d'or entre 2 100 et 2 300 dollars, ceux de Goldman Sachs une once à plus de 2 300 dollars d'ici à un an tandis que ceux de Bank of America tablent sur 3 000 dollars à horizon de dix-huit mois. L'or n'a pas fini de nous surprendre !

Source : https://www.lepoint.fr/argent/jusqu-ou-l-or-peut-il-grimper-06-08-2020-2386939_29.php